Invité de l’émission matinale Salam Sénégal sur Radio Sénégal Internationale, le Professeur Cheikh Mbow, Directeur général du Centre de Suivi Écologique, a partagé son analyse sur les récentes crues du fleuve Sénégal et les dégâts qu’elles ont causés. Lors de son intervention, il a évoqué les causes de ces inondations, les moyens de les anticiper et les solutions à envisager pour l’avenir.
Le Professeur Mbow a d’abord exprimé sa solidarité avec les populations touchées par les inondations. Selon lui, les débordements du fleuve Sénégal sont partiellement dus aux changements climatiques, qui entraînent des précipitations plus abondantes. Il rappelle que des débordements similaires ont été observés ailleurs en Afrique, comme sur les fleuves Congo et Limpopo.
« Le fleuve Sénégal est régulé pour stabiliser son niveau d’eau, notamment grâce au barrage de Diama, qui contrôle le flux d’eau douce et retient l’eau salée venant de l’océan. Cependant, avec l’augmentation des précipitations et la régulation du barrage de Manantali, des déversements d’eau excessifs surviennent, provoquant des inondations dans les zones basses du Sénégal, telles que Bakel et, prochainement, Matam et Podor », a-t-il expliqué.
Le professeur souligne aussi la dégradation de l’écosystème autour du fleuve, notamment avec la disparition des forêts et l’orpaillage le long de la Falémé, aggravant le phénomène. « Lorsque ces ressources naturelles sont affectées, l’eau déborde plus facilement sur le fleuve. »
Pour le Professeur Mbow, les autorités auraient pu mieux anticiper ces crues. « L’alerte précoce aurait dû être suivie d’actions immédiates. Nous avions vu venir cette situation. En août et début septembre, les alertes montraient que le fleuve allait déborder, et des plans de contingence et d’intervention auraient dû être mis en place. » Il regrette que les préparatifs aient été insuffisants, bien que le gouvernement ait annoncé une enveloppe de 8 milliards de francs CFA pour faire face à la situation.
Il insiste aussi sur l’importance de préparer l’après-crue, une fois que les eaux se seront retirées : « Les populations doivent pouvoir reprendre leurs activités. Il est essentiel d’investir dans de bonnes semences et de permettre la culture de plusieurs récoltes pour compenser les pertes subies. »
Concernant les mesures à prendre pour éviter des dégâts similaires à l’avenir, le Professeur Mbow recommande un recasement précoce des populations touchées et une meilleure anticipation des besoins humanitaires, notamment en prépositionnant des vivres : « On doit anticiper en identifiant les sites de recasement et en prépositionnant des vivres pour éviter de tâtonner lorsque la crise éclate. »
En termes de solutions à long terme, il propose un aménagement plus efficace du fleuve Sénégal. « Là où l’on cultive du riz, par exemple à Podor, les zones sont limitées. Il faudrait développer de grandes zones rizicoles le long du fleuve, comme à Bakel ou Ourossogui, pour utiliser l’excédent d’eau du fleuve et réduire ainsi les risques de débordement. »
Il a également lancé un appel humanitaire, encourageant l’implication des casernes de sapeurs-pompiers et des organisations humanitaires pour venir en aide aux populations sinistrées.
Le Professeur a salué l’appel du Président de la République à renforcer les dispositifs de protection civile, tout en précisant que celle-ci ne pourra pas résoudre l’ensemble du problème. Il souligne que la protection civile doit intervenir avant que la crise n’éclate, et appelle à une meilleure préparation des populations, en particulier à travers des simulations et des mesures préventives.
« La protection civile doit être équipée pour intervenir rapidement, mais elle ne peut intervenir que lorsque la crise est déjà là. Il faut impliquer les populations locales et renforcer les appareils de mesure de l’ANACIM pour mieux prévoir ces phénomènes », a-t-il ajouté.
Le Professeur Mbow a insisté sur l’importance des interventions précoces pour éviter des catastrophes similaires à l’avenir. Il appelle les autorités à être plus proactives dans la gestion des crises climatiques qui, selon lui, deviendront de plus en plus fréquentes à mesure que les effets du changement climatique s’intensifient.