LÉGISLATIVES | UNE CAMPAGNE ÉLECTORALE SOUS TENSION ET PLEINE DE REBONDISSEMENTS

La campagne pour les législatives anticipées du 17 novembre 2024 s’est achevée sur une note d’intensité rarement observée, marquée par des incidents notables, des discours clivants et des mobilisations significatives. Retour sur trois semaines riches en rebondissements et en tensions.

L’ombre persistante de la violence

Le top départ a été donné le dimanche 28 octobre 2024. La veille, le chef de l’État, Bassirou Diomaye Faye, avait prononcé un discours invitant les candidats à la non-violence et à la responsabilité durant la campagne.

Dakar a donné le ton, comme si les acteurs n’avaient pas entendu l’appel à la tranquillité du président de la République. Dès le début de la campagne, les tensions étaient palpables. La caravane d’Abass Fall, tête de liste de PASTEF, a été attaquée, déclenchant une spirale de violences. Le siège de « Taxawou Sénégal » de Khalifa Ababacar Sall, membre de la coalition « Sam sa Kaddu », a été attaqué et incendié le même jour. Dans le centre et le nord, à Koungheul et Matam, la caravane d’Ousmane Sonko, Premier ministre et tête de liste de PASTEF, a essuyé des jets de pierres, blessant l’un de ses alliés, Malick Gakou.

Ce climat de confrontation s’est poursuivi avec des attaques contre des convois et des affrontements sporadiques. À Saint-Louis, une violente altercation a éclaté lors du passage d’une caravane de l’opposition, causant des dégâts matériels et des blessures. Des assaillants armés ont pillé des commerces, suscitant l’indignation générale. Les forces de l’ordre ont procédé à l’arrestation de 81 individus impliqués, qui seront jugés le 2 décembre.

Ces événements ont conduit à un renforcement des mesures de sécurité, incluant des contrôles stricts sur les itinéraires des caravanes et des fouilles pour désamorcer toute tentative d’escalade.

La campagne a été endeuillée par la disparition de plusieurs figures marquantes : Modou Tall et Serigne Mbacké Thiam, militants de PASTEF, sont décédés après un accident de convoi à Darou Nahim, laissant leurs camarades dans la douleur. Le décès de l’ancien ministre des Finances, Mouhammadou Moustapha Ba, a également marqué une pause dans la campagne. Plusieurs coalitions, dont « JÀMM AK NJARIÑ », ALSAR et l’inter-coalition « Takku Wallu », ont suspendu leurs activités pour lui rendre hommage.

Une campagne sous le prisme des controverses

Les propos tenus par certains candidats ont suscité des débats enflammés : Abass Fall, après avoir appelé ses militants à se munir d’armes, a dû s’excuser publiquement. De même, Ousmane Sonko, après l’attaque au marché de Sor à Saint-Louis, avec un discours musclé, a invité ses partisans à « se venger » des violences commises sur ses militants par des partisans de Barthélémy Dias, le maire de Dakar. Finalement, Ousmane Sonko a lancé un appel au calme et au dépassement. Ces déclarations ont alimenté une polémique sur la responsabilité des leaders dans la gestion des émotions de leurs partisans.

Figures émergentes et surprises

Certains acteurs ont marqué les esprits et captivé l’attention du public :

Bougane Gueye Dany, leader de Gueum Sa Bopp, a démarré sa campagne en détention après une arrestation controversée. Relaxé par la justice, il a repris sa tournée, transformant cette épreuve en un symbole de lutte.

Pape Tahirou Sarr, tête de liste de la coalition Les Nationalistes « Jel Linu Moom », a choqué en ciblant les étrangers dans ses discours. En réponse, Ousmane Sonko a clarifié sa position, distinguant le patriotisme du nationalisme exacerbé, et plaidant pour un Sénégal ouvert et inclusif.

Ameth Diallo, tête de liste de la coalition « Gox Yu Bess », a également fait sensation pour sa première campagne. Porté par une équipe majoritairement composée de jeunes, il a su captiver les électeurs, en particulier ceux en quête de renouvellement politique, et a réalisé une percée notable.

Aliou Cissé, maire de Mabo et tête de liste départementale de la coalition « Farlu », est devenu une révélation après avoir été blessé au visage par un jet de pierre lors d’une cérémonie sportive. Son incident a propulsé sa popularité sur les réseaux sociaux.

Macky Sall : la campagne à distance

L’ancien président Macky Sall, tête de liste de « Takku Wallu Sénégal », a marqué cette campagne par sa présence virtuelle. Installé au Maroc, il a mené sa campagne via des appels et des messages sur les réseaux sociaux, suscitant des réactions mitigées.

Malgré les turbulences, la campagne électorale a témoigné d’un dynamisme démocratique intense. Avec 41 coalitions et listes en lice, les électeurs sont invités à faire un choix crucial pour l’avenir du pays. Dimanche, les urnes parleront et mettront un point final à cette période marquée par une effervescence rare dans l’histoire politique du Sénégal.

Ousmane Diallo