GESTION OPAQUE DES FINANCES PUBLIQUES | TROIS ANCIENS MINISTRES DES FINANCES ET PLUSIEURS HAUTS RESPONSABLES DANS LE VISEUR DE LA JUSTICE

Un vaste scandale financier éclabousse l’administration sénégalaise. Selon le journal Source A, plusieurs personnalités de haut rang, dont trois anciens ministres des Finances, un directeur du Trésor et des gestionnaires de comptes de dépôt, seraient impliqués dans un tripatouillage présumé des comptes publics entre 2019 et mars 2024. Des pratiques révélées dans le dernier rapport de la Cour des comptes, publié en février dernier et déjà transmis au Parquet général ainsi qu’à la Chambre de discipline financière pour d’éventuelles poursuites judiciaires.

Le rapport pointe des pratiques pour le moins alarmantes : des dettes auraient été contractées au nom de l’État sans l’aval du Comité national de la dette publique (CNDP), pourtant seul organe habilité à cet effet. En cause, la signature de lettres de confort ou de conventions de financement avec des banques pour des projets dits de développement, mais en dehors des lois de finances.

La Cour des comptes soupçonne même des retraits d’argent effectués en espèces, parfois transportés par des « porteurs de valises », sans passer par la Trésorerie générale. Des décaissements auraient été ordonnés directement par certains ministres, en contournant les gestionnaires de comptes de dépôt, une procédure jugée totalement illégale.

L’autre volet de cette affaire concerne une manipulation présumée du déficit public, visant à respecter artificiellement les critères de convergence de l’UEMOA et les engagements envers le FMI. Un haut responsable est accusé d’avoir sous-estimé les décaissements réels sur des prêts octroyés par des partenaires comme la Banque mondiale, la BAD ou encore l’AFD.

À titre d’exemple, en 2023, les documents officiels faisaient état de 434,9 milliards FCFA de tirages alors que le montant réel s’élèverait à plus de 1 131 milliards. Un écart colossal qui aurait permis de dissimuler l’ampleur du déficit. Le stratagème consistait ensuite à transformer les dettes contractées en obligations du Trésor, afin de les « régulariser » a posteriori.

Face à la gravité des faits, la justice pourrait passer à l’action. Trois anciens ministres des Finances, un directeur de service et plusieurs agents pourraient être poursuivis pour leur implication dans ce qui ressemble à un système de gestion opaque et potentiellement frauduleuse des finances publiques.

L’affaire, qui fait grand bruit, pourrait marquer un tournant dans la gouvernance des deniers publics au Sénégal. Le pays attend désormais des réponses claires sur les responsabilités et les mesures à venir pour garantir la transparence budgétaire.