La Biennale de l’art contemporain de Dakar (Dak’Art) tire à sa fin. Ouverte depuis le 7 novembre, elle doit baisser le rideau ce 7 décembre. Les expositions ont été nombreuses et ont émerveillé le public. Derrière ces belles créations se cachent des hommes et des femmes qui ont été les chevilles ouvrières de cette édition, notamment les commissaires d’exposition. Pour en savoir plus sur leur rôle, Ousmane MBaye, commissaire d’exposition, nous a accordé une interview.
Qu’est-ce qu’un commissaire d’exposition ?
Un commissaire d’exposition est celui qui s’occupe de toute l’organisation de l’exposition. Cela inclut le suivi des artistes, la sélection des œuvres, la scénographie, la définition de la thématique et l’écriture de l’histoire de l’exposition.
Comment devient-on commissaire d’exposition ?
Pour devenir commissaire d’exposition, il faut remplir certains critères. Avant tout, il faut être un passionné et un connaisseur. Il faut avoir envie de raconter l’histoire des autres et de la mettre en lumière. Ce métier exige une grande expérience, que l’on peut acquérir par des formations spécialisées en commissariat ou sur le terrain, comme cela a été mon cas. Mais, quel que soit le parcours, il faut bien maîtriser le domaine dans lequel on travaille. Le rôle du commissaire est de valoriser les artistes, de relier leurs œuvres à un récit global, tandis que les artistes, eux, travaillent sur une expression individuelle.
Comment appréciez-vous le travail de commissaire d’exposition ?
C’est une mission avec beaucoup de responsabilités et d’enjeux. La première question que l’on se pose est : pourquoi choisir tel artiste et pas un autre ? Nous ne pouvons pas tout inclure. Chaque sélection nécessite des choix rigoureux. Parfois, plusieurs artistes excellent dans un même domaine, mais nous devons en retenir un seul. Cela ne signifie pas que les autres ne sont pas talentueux. C’est un travail passionnant, mais qui demande beaucoup de réflexion, de temps et d’équité.
Comment le métier de commissaire d’exposition a-t-il évolué au fil des années ?
Il a considérablement évolué. Des gens se sont battus dans l’ombre pour faire connaître tout le travail qui se fait en amont. Malgré l’absence d’un salon de design pendant 16 ans, les artistes africains ont continué de briller et de représenter le continent avec fierté, en montrant leur savoir-faire unique.
Quels sont les défis auxquels vous faites face en tant que commissaire d’exposition ?
C’est ma première expérience en tant que commissaire d’exposition. Auparavant, j’étais designer. Le principal défi a été de valoriser un domaine, le design, qui n’avait pas été mis en avant depuis 16 ans. Il fallait raconter et retracer son histoire, tout en mettant en lumière le savoir-faire exceptionnel des créateurs.
Sur quels critères une œuvre est-elle considérée comme réussie ?
Une exposition réussie est celle qui touche un large public, sensibilise les gens et permet aux artistes de vivre de leur art. C’est un succès lorsque ces objectifs sont atteints.
Peut-on acheter des œuvres exposées à la Biennale ?
Oui, mais pas directement dans le cadre de la Biennale. Celle-ci n’a pas un objectif commercial, elle vise à valoriser les œuvres. Cependant, les visiteurs intéressés peuvent contacter les artistes ou leurs galeristes pour des acquisitions ultérieures.
Certaines indiscrétions évoquent des œuvres endommagées durant la Biennale…
Cela peut arriver dans toutes les expositions. Nous mettons en place une signalétique pour sensibiliser les visiteurs, mais certaines personnes ne respectent pas les consignes. Avec l’afflux de monde, il est parfois difficile de tout contrôler. Ces incidents nous poussent à renforcer les dispositifs de médiation et de surveillance pour les prochaines éditions.
Le design est revenu après 16 ans. Quelle place occupe-t-il dans cette Biennale ?
Le design occupe une place très importante cette année. Beaucoup ont été surpris par la qualité et la pertinence des œuvres sélectionnées. Les retours sont très positifs, ce qui est encourageant pour l’avenir de cette discipline.
Les Sénégalais connaissent-ils cet art ?
Le design est présent dans notre quotidien, même si on ne l’appelle pas toujours ainsi. C’est souvent perçu comme une simple réflexion sur l’objet. Il est temps de s’approprier ce terme et d’encourager sa pratique, notamment en ouvrant des écoles dédiées. Cela permettra de développer notre créativité et d’investir dans des innovations locales.
Avec l’avancée technologique, notamment l’intelligence artificielle, craignez-vous pour l’avenir du design ?
Pas du tout. L’avantage de notre continent est que tout reste à construire ; c’est une opportunité. L’intelligence artificielle ne remplacera jamais complètement le savoir-faire humain, surtout dans le domaine artistique.
Oumar Takourou