HABIB SY SUR LA REDDITION DES COMPTES : « LAISSONS LA JUSTICE FAIRE SON TRAVAIL »

Face à Omar Gningue, Habib Sy a défendu la démarche actuelle du gouvernement concernant la reddition des comptes des dignitaires du régime précédent. Selon lui, il s’agit aujourd’hui du « seul point de consensus du Sénégal », partagé par le pouvoir, l’opposition, la société civile et l’opinion publique.

« Personne ne peut nier les dégâts immenses qui ont été posés par le régime précédent », a-t-il martelé, minimisant la dimension politique de cette démarche. Pour le président du CA de la Senelec, les « déclinaisons sur les fraudes et malversations » présentées jusqu’à présent ne sont « pas tellement contestées » et seule la justice peut trancher définitivement.

Une « révolution démocratique » contrainte par l’État de droit

Habib Sy a qualifié l’arrivée au pouvoir du PASTEF de « révolution », mais d’une « révolution démocratique, arrivée au pouvoir par les urnes ». Une distinction qu’il juge fondamentale : « Si vous arrivez au pouvoir par les urnes et que vous voulez faire une révolution, vous ne pouvez pas avoir les mêmes attitudes qu’une révolution brutale et violente », a-t-il expliqué.

Cette réalité impose, selon lui, le respect des formes, des procédures et des institutions existantes, notamment l’indépendance de la justice inscrite dans la Constitution sénégalaise.

Justice indépendante : pas de « justice des vainqueurs »

Sur la question sensible de l’indépendance judiciaire, l’allié du régime a défendu la ligne du Président Bassirou Diomaye Faye et du Premier ministre : « Ils ne s’immiscent pas dans le fonctionnement de la justice. » Il a cité en exemple la récente libération de Mansour Faye pour illustrer l’absence de « vengeance » politique.

« Le besoin de justice est légitime, mais pas de justice à deux vitesses, ou justice des vainqueurs », a-t-il insisté, rappelant que le Conseil constitutionnel a récemment rejeté une disposition de l’Assemblée nationale qui tentait de donner des injonctions à la justice.

Un contrôle populaire de la justice à envisager

Malgré sa défense de l’indépendance judiciaire, Habib Sy a soulevé une question dérangeante : « Le peuple n’a aucun pouvoir sur le pouvoir judiciaire, alors que la justice est rendue au nom du peuple. »

Il a ainsi plaidé pour la création d’un « organe plus ou moins indépendant, composé de professeurs de droit, de paysans, cultivateurs », capable de se prononcer sur le fonctionnement de la justice. Cette proposition s’inscrit, selon lui, dans les réformes judiciaires en cours, notamment la révision du code pénal et du code de procédure pénale.

Loi d’amnistie : « La loi, c’est la loi »

Concernant les appels à l’abrogation de la loi d’amnistie relative aux événements politiques de 2021-2024, Habib Sy s’est montré catégorique : « Je ne crois pas que cela soit dans l’ordre du possible. » Il a rappelé que l’Assemblée nationale a déjà pris sa décision sur cette question.

Toutefois, il a souligné que « l’aspect le plus important a été dit » : certaines infractions ne sont pas prescriptibles, et la justice pourra se prononcer sur « les infractions les plus odieuses ».