LÉGISLATIVES 2024 : LES FEMMES TRANSFORMATRICES DE PRODUITS HALIEUTIQUES APPELLENT À LA RECONNAISSANCE DE LEUR MÉTIER

À l’approche des élections législatives du 17 novembre 2024, les femmes transformatrices de produits halieutiques de Thiaroye-Sur-Mer intensifient leur lutte pour la reconnaissance de leur métier. Face à des conditions de travail difficiles et à l’absence de soutien institutionnel, elles espèrent que les futurs députés prendront leurs revendications au sérieux et agiront en faveur d’une politique inclusive qui valorise leur contribution cruciale à l’économie locale.

Dans la région de Dakar, les femmes transformatrices de produits halieutiques expriment de vives attentes à l’égard des députés de la prochaine législature. Au centre de leurs revendications se trouve la signature tant attendue d’un décret officialisant leurs métiers, ainsi qu’une amélioration significative de leurs conditions de travail. Une des figures majeures de ce secteur est « Pencum Sénégal » à Thiaroye-Sur-Mer, qui se révèle être l’un des sites les plus emblématiques de transformation des produits halieutiques.

Le cadre de travail est loin d’être idéal : des tentes vieilles et mal éclairées servent de lieux d’activité pour les femmes, qui doivent composer avec des nuisances telles que les déchets destinés à la fabrication du guedj (poisson séché) et du kétiakh (poisson fumé). L’odeur intense de poisson peut, à certains moments, rendre la respiration difficile. Environ 200 femmes s’y consacrent, bravant des conditions de travail éprouvantes. Parmi elles se trouve Diaba Diop, secrétaire générale de l’association « Pencum Sénégal », ainsi que présidente du Réseau des Femmes de la Pêche Artisanale du Sénégal (Refepas). Diaba lutte ardemment pour que les conditions de travail des transformatrices soient reconnues comme légitimes. Malheureusement, le site est empreint de désolation : des pirogues abandonnées et une pollution omniprésente sont le lot quotidien de ces femmes. Des déchets de toute sorte jonchent le sol, tandis que la mer, qui autrefois nourrissait la communauté, est aujourd’hui source de désillusion. Les transformatrices se sentent piégées dans une situation qu’elles jugent intolérable.

La demande de reconnaissance de leur métier reste pendante depuis plus d’une décennie. Khady Diop, transformatrice exprime son incompréhension face à ce retard bureaucratique : « L’État du Sénégal doit reconnaître notre métier, tout comme il l’a fait pour d’autres professions. Nous travaillons dans des conditions précaires, sans aucun soutien de l’État », se lamente-t-elle pendant qu’elle s’affaire avec des commandes de kétiakh. Les femmes transformatrices souffrent de la non-reconnaissance de leur métier, ce qui les prive de couverture sanitaire et de protections sociales.

L’absence de structures adaptées n’est pas la seule difficulté à surmonter. Lors d’une visite de l’ancien ministre de la Pêche, Alioune Ndoye, un projet de construction d’une unité de transformation moderne avait été évoqué, mais rien n’a été concrétisé. Le site actuel est marqué par l’odeur nauséabonde de l’eau usée et le manque criant d’installations sanitaires, forçant ces femmes à solliciter l’hospitalité des maisons voisines pour faire leurs besoins. L’un des obstacles majeurs à leur développement reste la difficulté d’exporter leurs produits, n’étant pas homologués à l’international. « C’est inacceptable ! Notre métier n’est pas reconnu et nous ne pouvons pas vendre à l’extérieur », déclare Diaba, le visage empreint de mélancolie.

L’impact économique de ces femmes est indéniable. Selon un rapport de 2022, l’activité de transformation artisanale génère une valeur ajoutée annuelle de 13,8 milliards de FCFA, dont 10,7 milliards proviennent de la production et 3,1 milliards de la commercialisation. De plus, les femmes transformatrices contribuent à hauteur de 56 % aux charges familiales, témoignant de leur rôle crucial au sein de leur communauté. Malgré ces défis, Diaba et ses consœurs restent déterminées : « nous ne nous laisserons pas décourager. Nous nous battrons jusqu’à ce que notre métier soit reconnu ».

Une mareyeuse investie candidate

Sur le quai animé de Soumbédioune, l’effervescence est palpable. A proximité des effluves de poissons frais, une silhouette se distingue. Ramatoulaye Diallo, candidate sur la liste nationale du parti Fédération du Renouveau (FDR) et mareyeuse, s’avance avec détermination vers un groupe de femmes transformatrices, ce mardi 5 novembre. Son objectif : partager son programme politique et leur présenter une vision qui leur est dédiée. Vêtue d’un tenue africaine et d’une casquette de son parti politique, Ramatoulaye respire la simplicité et la conviction. La teint clair s’approche des femmes qui lui réservent un accueil chaleureux. Avec un sourire bienveillant, elle engage la conversation, écoutant attentivement leurs préoccupations, avant de prendre la parole. « Chères sœurs, je suis ici aujourd’hui non seulement en tant que candidate, mais en tant que femme qui connaît les défis que vous rencontrez chaque jour », commence-t-elle, sa voix empreinte d’empathie.

Avec passion, elle expose son programme qui, au cœur de ses priorités, met l’accent sur la reconnaissance officielle du métier de transformatrice. Elle explique que seule une telle reconnaissance permettra d’améliorer leurs conditions de travail, de leur offrir un accès à des formations professionnelles et de garantir des protections sociales. Ramatoulaye Diallo promet de faire de la signature du décret de reconnaissance une priorité si elle est élue à l’Assemblée nationale. Elle souligne l’importance de ce métier, notant que de nombreuses femmes ont pu construire leur maison grâce aux revenus tirés de la transformation.

Ramatoulaye souligne également l’importance de moderniser les unités de transformation, pour améliorer la qualité de leurs produits et faciliter leur commercialisation tant au niveau national qu’international. « Nous devons faire entendre notre voix au sein de l’Assemblée nationale pour que les législateurs prennent en compte notre réalité économique et sociale », affirme-t-elle, la passion transparaissant dans chacun de ses mots. Les femmes écoutent attentivement, visiblement touchées par son engagement. Ramatoulaye évoque en outre des propositions concrètes, telles que la mise en place de programmes de subventions pour les petites exploitations et l’accès à des financements adaptés pour moderniser leur équipement.

« Ensemble, nous pouvons transformer notre réalité »

Elle insiste sur le besoin de créer un cadre légal garantissant la protection de la ressource halieutique et la durabilité de leur activité. « Ensemble, nous pouvons transformer notre réalité », déclare-t-elle avec conviction. Ce moment représente un tournant, non seulement pour cette candidate, mais aussi pour ces femmes qui, ensemble, envisagent un avenir meilleur. Les liens qui se tissent renforcent l’idée qu’elles ne sont pas seules dans leur combat et qu’avec le soutien politique approprié, leurs aspirations pourraient enfin devenir réalité.

L’accès aux financements qui permettrait de moderniser leur outil de travail  afin de produire des poissons aux normes internationaux pour pénétrer les marchés internationaux générateurs de richesse », déclare la candidate. Mais pour y parvenir, elle pense : « pour que nous soyons à l’ assemblée, il faudrait que les acteurs prennent conscients des enjeux et des défis de ces élections législatives et qu’ils votent la liste de la FDR , l’une des rares liste à avoir investi un acteur de la pêche sur une position éligible car soucieux du secteur , de la ressource et toute l’économie qui gravite autour de cette économie bleue qui représente le ventre du Sénégal ». Pour elle, les femmes transformatrices doivent moderniser : « à l’heure du dérèglement climatique qu’il faut moderniser leur outil de production avec les dernières technologies et arrêter l’utilisation du bois ».

Le rôle significatif dans la prospérité économique et sociale, le secteur de la transformation des produits halieutiques est englué dans de nombreuses difficultés, telles que la rareté des ressources en poisson, la concurrence des grandes usines, et le besoin urgent de moderniser les unités de production sans oublier la nécessité de formation et de financement pour les femmes artisans. Les femmes transformatrices continuent de se battre pour leur légitimité et leur dignité au sein d’un secteur qui leur est vital.

Ndiémé FAYE – Mamadou DIOP