Le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Dr Ibrahima Sy, a présenté ce mercredi un bilan préoccupant de la situation du système de santé sénégalais. Le diagnostic met en évidence de nombreuses failles qui compromettent l’accessibilité et la qualité des soins dans le pays. Parmi les problèmes majeurs, le ministre a évoqué la nécessité urgente d’une restructuration du secteur pour répondre aux besoins croissants de la population et respecter les objectifs fixés dans le cadre de l’Agenda National de Transformation du Sénégal 2050.
Une grande partie des infrastructures hospitalières du Sénégal, certaines datant de plus de 30 ans, sont aujourd’hui dans un état de vétusté avancé. Le ministre a souligné que ces établissements souffrent de défaillances dans les systèmes électriques et d’assainissement, ce qui crée des risques importants d’incendies et d’infections nosocomiales. Des hôpitaux comme ceux de Saint-Louis, Ziguinchor, Kaolack, ou encore l’Hôpital Aristide Le Dantec nécessitent des réhabilitations urgentes. Les incidents d’incendie qui ont récemment frappé les services de néonatologie à Linguère et Tivaouane ont aggravé cette situation et ont mis en lumière la fragilité de ces infrastructures.
Les nouvelles constructions, pourtant censées moderniser le système, ne sont pas exemptes de critiques. Selon le ministre, des défauts graves ont été observés dans des équipements récemment installés, comme à Tivaouane et à Tambacounda, où des problèmes d’étanchéité, des fissures et des installations électriques défectueuses limitent considérablement l’efficacité des soins. En outre, une autre lacune majeure réside dans la répartition géographique inégale des services de santé, avec une concentration des infrastructures et des spécialités médicales à Dakar, Thiès et Diourbel. Parmi les 12 hôpitaux de niveau 3 du pays, 10 se trouvent dans la capitale, ce qui laisse les autres régions mal desservies et rend difficile l’accès aux soins pour les populations vivant en dehors de ces zones.
Le ministre a également attiré l’attention sur la faible capacité d’accueil des hôpitaux, en particulier dans les services d’urgence et de réanimation. Le Sénégal dispose actuellement d’un lit pour 2 589 habitants en hospitalisation générale, mais d’un lit pour 48 530 habitants dans les services d’urgence et d’un lit pour 147 356 habitants en réanimation. La situation est d’autant plus critique dans les services pédiatriques, avec seulement deux hôpitaux pédiatriques pour plus de 7 millions d’enfants de moins de 15 ans. Ce manque de lits, combiné à un déficit de médecins spécialistes dans des domaines essentiels comme la cancérologie, la neurochirurgie et l’anesthésie-réanimation, freine considérablement l’amélioration de la qualité des soins.
En ce qui concerne la gestion des ressources humaines, un audit du ministère a révélé des irrégularités préoccupantes. Sur 1 080 agents en situation irrégulière, certains sont présents dans les bases de données du ministère mais non répertoriés dans celles de la solde, tandis que d’autres figurent dans l’une des bases de données sans l’autre. Ce manque de cohérence dans les informations peut entraîner des dépenses non justifiées et compromettre l’efficacité du système de santé. Le financement du secteur reste également insuffisant. Actuellement, seulement 9 % du budget national est alloué à la santé, bien en dessous des 15 % recommandés par l’OMS. Bien que le gouvernement ait investi près de 1 000 milliards de FCFA entre 2013 et 2023, l’impact de ces investissements reste limité, et les améliorations dans le système de santé ne sont pas suffisamment visibles.
Le ministre a également évoqué des cas de mauvaise gestion des fonds publics, citant le détournement de 42,5 millions de FCFA dans le cadre du projet PASME à Kolda, financé par l’Agence Française de Développement, qui a conduit à la suspension du projet en 2019. Ce détournement a entraîné une perte de 7,1 millions d’euros de financement. Par ailleurs, des fonds destinés à la lutte contre le paludisme, à hauteur de 764,5 millions de FCFA, n’ont toujours pas été justifiés. Face à cette situation, Dr Sy a annoncé avoir entamé des négociations avec la Banque Mondiale et le ministère des Finances pour réorienter les fonds inutilisés dans l’achat de vaccins Johnson & Johnson vers des projets de renforcement du système de santé.
Pour pallier les carences d’infrastructures dans les régions sous-équipées, le ministère prévoit la mise en place d’une nouvelle carte sanitaire. Cette initiative vise à améliorer la couverture sanitaire à travers le pays en transformant les cases de santé en postes de santé, les postes de santé en centres de santé, et les centres de santé en hôpitaux régionaux, adaptés aux besoins spécifiques de chaque zone.
En conclusion, le diagnostic dressé par le ministre de la Santé et de l’Action sociale révèle un système de santé sénégalais en crise, caractérisé par des infrastructures obsolètes, une gestion des ressources humaines déficiente, une répartition inégale des soins et une gestion budgétaire préoccupante. Cependant, des réformes sont en cours, et Dr Sy a appelé à une restructuration profonde du secteur pour surmonter ces défis et garantir à tous les Sénégalais un accès équitable à des soins de qualité.