Le Sénégal se trouve à un carrefour crucial de son histoire. Face aux défis mondiaux croissants et aux incertitudes économiques, notre nation doit impérativement se tourner vers une autosuffisance alimentaire durable. Le gouvernement sénégalais, conscient de cette nécessité, a lancé un projet ambitieux visant à recentrer les activités du ministère de l’Agriculture sur ses missions de service public. Cette initiative repose sur deux piliers essentiels : la décentralisation et l’implication active des communautés locales.
La décentralisation est au cœur de cette réforme. En transférant pouvoirs et responsabilités aux organes représentatifs locaux et aux organisations professionnelles de base, le Sénégal entend renforcer les capacités des services administratifs au niveau des communes. Cette approche permettra de répondre plus rapidement et plus efficacement aux problèmes locaux, tout en redynamisant les structures coopératives et les organisations professionnelles du monde rural.
Pour comprendre l’impact potentiel de cette réforme, il est instructif de regarder les exemples de pays ayant réussi cette transition.
Le Cuba a démontré que la planification participative à l’échelle locale peut transformer le paysage agricole. À La Havane, des jardins sur les toits et des coopératives rurales ont permis de produire plus de 50 % des légumes consommés localement. En 2019, Cuba a produit 1,2 million de tonnes de légumes, une réussite attribuée à l’intégration des efforts entre agriculteurs locaux et petites exploitations familiales.
L’Éthiopie, grâce à l’Agence de Transformation Agricole (ATA), a transféré le pouvoir de décision au niveau local. Les districts et les woredas ont pu diriger leur propre développement agricole, ce qui a conduit à une augmentation de 70 % de la production céréalière entre 2010 et 2018, comparativement à la famine qui a sévi durant les années 1984-1985. Ce succès montre comment la planification décentralisée peut transformer une nation.
Le Vietnam de son côté, a entrepris des réformes économiques connues sous le nom de Đổi Mới en 1986, décentralisant le pouvoir de décision et offrant aux agriculteurs une plus grande autonomie. En conséquence, la production de riz est passée de 20 millions de tonnes en 1986 à plus de 45 millions de tonnes en 2020, faisant du Vietnam l’un des principaux exportateurs de riz au monde.
Le Sénégal aussi, dispose de nombreuses expériences de développement décentralisé dans plusieurs secteurs pouvant servir de socle pour opérationnaliser son agenda de souveraineté alimentaire. Par exemple, l’agenda des Objectifs 2000 des Nations Unies a permis, grâce à l’une application à l’échelle locale des objectifs mondiaux de survie, de protection et de développement de l’Enfant, l’éradication du Ver de Guinée, et faire du Sénégal le premier pays subsaharien à éliminer cette maladie. Cela a été possible grâce à l’élaboration de plans locaux digitalisés de lutte contre le Ver de Guinée, pour atteindre les objectifs mondiaux fixés. De même, la scolarisation des filles et le Programme Elargi de Vaccination, sont aussi d’autres exemples phares qui ont enregistré des succès durables, soutenus par un système de suivi rigoureux, fiable et constamment à jour. Après deux décennies, plusieurs maladies infantiles considérées comme systématiques ont été définitivement éliminées, et le taux de scolarisation des filles a doublé.
Fort de ces exemples, le Sénégal est bien positionné pour suivre cette voie. Chaque commune des 552 que compte au total notre pays, devra évaluer ses ressources naturelles, humaines et matérielles pour identifier ses atouts et défis locaux. Les communes se spécialiseront dans les cultures et élevages adaptés à leurs conditions locales, maximisant ainsi l’efficacité, la productivité et la compétitivité.
Chaque commune créera un plan d’action local, digitalisé et détaillé, incluant des stratégies de production, distribution et commercialisation. Un système de suivi en temps réel permettra d’évaluer les performances et d’ajuster les stratégies, avec un tableau de bord interactif pour visualiser les progrès. Les données communales seront agrégées à différents niveaux administratifs pour assurer cohérence et synergie dans l’atteinte des objectifs nationaux.
En valorisant les forces locales, en soutenant les coopératives communales et en investissant dans les infrastructures rurales, le Sénégal peut réaliser des progrès significatifs vers une autosuffisance alimentaire durable. Un avenir prometteur pour l’agriculture sénégalaise se dessine grâce à une approche concertée et innovante. Ensemble, nous pouvons construire un avenir où chaque sénégalais aura accès à une alimentation saine et produite localement.
Chers compatriotes, l’heure est venue de prendre notre destin en main. Ensemble, faisons de la souveraineté alimentaire une réalité tangible pour notre nation.
Avec optimisme et détermination.
Dr Idrissa Doucouré
Président du Conseil Mondial des Investissements & des Affaires, Londres
PhD, Exécutive MBA, et Ingénieur